Le blog de Hamidou Baba Kane

Ce blog, créé au départ pour être un espace de dialogue pendant les élections législatives du 19 novembre à Nouakchott, se mue pour vous faire vivre en temps réel les activités du Député HBK après sa reélection. Ses analyses ne souffrent d'aucune improvisation. L'homme sait de quoi il parle, il a été nommé 2ème Vice Président du Parlement par ses pairs. Commentez les articles, écrivez-nous! email : hamidou.baba.kane.blog@gmail.com Site du Rfd : www.rfd-mauritanie.org

31 juillet 2008


Dans quelle République sommes nous ?


Le Mercredi 30 juillet 2008, le Ministre Chargé des Relations avec le Parlement et la Société Civile a adressé une lettre au Président de l’Assemblée Nationale dans laquelle il déclare non conforme aux procédures la transmission de la demande de convocation d’une session extraordinaire du Parlement présentée par 51 députés (soit plus de la majorité absolue des membres de l’Assemblée Nationale) et transmise au Gouvernement sous ma signature, en ma qualité de 2ème Vice Président de l’Assemblée Nationale assurant l’intérim du Président.

Le même jour, à grand renfort de publicité à travers les medias d’Etat, M. le Ministre a rendu public une déclaration indiquant la non-conformité de la procédure et prétendant même que la convocation d’une session ordinaire ou extraordinaire est du seul ressort du Président de la République.Ayant été personnellement cité, je tiens à faire la mise au point suivante :


1) L’article 53 de la Constitution ne laisse planer aucune équivoque sur les modalités de convocation d’une session extraordinaire dont l’initiative appartient concurremment au Président de la République et à la majorité des membres de l’Assemblée Nationale sur un ordre du jour déterminé. Aucun texte ne soumet cette décision de convocation à une formalité particulière. Dès lors qu’il est établi qu’une majorité de Députés s’est exprimé dans ce sens, le Président de la République est tenu de prendre, sans délai, le décret de convocation ;


2) L’ordonnance 92-023 du 18 Février 1992 relative au fonctionnement des Assemblées Parlementaires, dont l’actuel règlement intérieur constitue le texte d’application, dispose en son article 8 que la fonction essentielle des vice-Présidents est de suppléer le Président de l’Assemblée Nationale en son absence. On ne voit pas très bien comment une telle fonction peut être limitée à une simple présence physique ou protocolaire ;


3) Quant aux articles 9 et 53 du règlement évoqués par M. le Ministre, ils traitent de deux matières distinctes. L’article 9 dispose que l’intérim des Vice-présidents est limité à la Présidence des séances et à la Représentation de l’Assemblée Nationale aux cérémonies officielles. Cette limitation a été édictée par rapport aux actes de gestion courante hors la décision prise par les Députés relativement à la tenue d’une session extraordinaire est un acte hautement constitutionnel. Pour ma part, je n’ai fait que transmettre l’expression d’une volonté de la majorité des Députés ;


4) Dans le cadre du travail parlementaire la Présidence des séances, par les Vice-présidents, est un processus partant d’actes posés en amont dont la convocation des réunions, la communication avec le Gouvernement sur les matières et sujets à traiter. Les décisions prises au cours de la Présidence de ces séances où l’on fait voter les lois de la République, sont-elles moins importantes que la simple communication d’une décision prise par la majorité des Députés ?


5) L’article 53 du règlement intérieur auquel se réfère M. le Ministre traite des dispositions générales relatives à la transmission des Projets et Propositions de lois adoptés ou rejetés par l’Assemblée Nationale. Sauf à admettre le blocage de l’Institution pendant l’absence du Président de l’Assemblée Nationale, une telle disposition ne peut viser que la fonction et non la personne. L’intérimaire du Président de l’Assemblée Nationale agit donc en cette qualité.


6) En la matière, la pratique est courante : des Projets et Propositions de lois ont été communiqués au Gouvernement par un Vice-président dont précisément la proposition de loi portant abrogation de l’ordonnance sur l’opposition et son remplacement par une autre loi. Le Gouvernement s’était même empressé d’instruire le dossier !


7) Enfin, c’est en ma qualité d’intérimaire que j’ai pris connaissance de la lettre, par ailleurs, non signée, du Ministre Chargé des Relations avec le Parlement et la Société Civile, adressée au Président de l’Assemblée Nationale. Faut il en conclure que l’Assemblée Nationale peut recevoir des correspondances du Gouvernement mais ne peut en transmettre aucune, du moment que son Président est absent ou empêché ? Dans quelle République sommes nous ?


En tout état de cause, il n’échappe guère à l’opinion avertie que ces manœuvres dilatoires constituent une fuite en avant face au fond du problème, au creux de la question, à savoir la tenue d’une session extraordinaire sur l’ordre du jour fixé par les Députés et qui demeure un droit garanti par la Constitution.


Dans certaines sociétés primitives africaines on tuait le messager, porteur de la « mauvaise nouvelle ! »


Hamidou Baba KANE

2ème Vice-Président de l’Assemblée Nationale

Vice-President du Rassemblement des Forces Démocratiques


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