HBK: J’ai rendu publique une mise au point sur cette affaire. Il s’agit là d’un fait insolite : Pour la première fois, non seulement le Gouvernement dit avoir retourné une correspondance venant de l’Assemblée, qui d’ailleurs ne lui était pas intrinsèquement destinée, mais en même temps, il se laisse aller à une interprétation du texte de la Constitution et du règlement intérieur de l’Assemblée Nationale ! Au-delà des points soulevés dans ma Mise au point, je déposerai Lundi sur le Bureau de l’Assemblée Nationale deux questions orales : Premièrement, je voudrais savoir qu’est ce qui donne au Gouvernement – au plan légal – le droit d’interpréter les procédures de l’Assemblée Nationale ? Deuxièmement, pour une correspondance dont le Gouvernement n’est pas le destinataire, mais une simple courroie de transmission, qu’est ce qui l’autorise à révéler solennellement le contenu, comme si un crime de lèse majesté avait été commis ? Si la réponse à ces deux questions n’était pas satisfaisante, j’exigerai les excuses officielles du Gouvernement !
Je regrette la précipitation et les graves manquements dans la gestion de cette correspondance où, des Conseils occultes ou informels ont servi d’éclaireurs ! Le Gouvernement et ses conseils auraient pu pousser leur lecture jusqu’à l’article 10 du règlement intérieur de l’Assemblée, qui dispose que l’interprétation du règlement intérieur est du ressort du Bureau de l’Assemblée Nationale. Alors qu’en tant que Ministre Chargé des Relations avec le Parlement, il aurait dû se rapprocher de l’Institution parlementaire et jouer son rôle de facilitateur des rapports entre le Gouvernement et le Parlement, M. le Ministre a choisi de courir vers la Télévision pour lire une déclaration « quasi-solennelle », dans laquelle transparaît clairement la volonté d’hyper personnaliser une correspondance, pourtant - authentiquement - émanant de l’Institution parlementaire. Il n’échappe à personne que le tintamarre fait autour de cette simple lettre de transmission était du au fait qu’elle était signée par … un certain KANE Hamidou Baba. En tout cas, le Gouvernement se souviendra que j’ai reçu son message 5/5 !
Quant à l’aboutissement de la demande des Députés pour la tenue d’une session extraordinaire, je n’en ai aucun doute. L’article 53 de la constitution ne laisse planer aucune équivoque sur les deux conditions posées et remplies (la majorité des Députés et un ordre du jour déterminé) ; le reste n’étant qu’une simple formalité. C’est pourquoi, il est permis de se demander à quelle fin se livre le Gouvernement en engageant cette bataille perdue d’avance ? On n’arrête pas la mer avec ses bras !
Eveil-hebdo : Alors, quelles sont les raisons, selon vous, du rejet de la convocation de cette session extraordinaire par le Gouvernement ?
HBK: Vous savez sans doute, que nous avons renvoyé le dossier avec une lettre de transmission signée du 1er Vice-président affirmant la conformité avec les procédures de l’Assemblée Nationale, de la correspondance transmise par le 2ème Vice-président, rappelant des précédents qui n’avaient fait l’objet d’aucune objection de la part du Gouvernement et demandant à ce dernier de se ressaisir en reconsidérant sa position, afin que la procédure engagée par la majorité des Députés poursuive son cours normal. Pour la deuxième fois, le Gouvernement a opposé une fin de non-recevoir et on est en présence d’une obstruction volontaire de l’initiative parlementaire. Nous étudierons les mesures appropriées pour faire face à cet affront !
Parmi les raisons, on ne peut pas évacuer les signes manifestes d’incompétence, voire d’inexpérience de ce Gouvernement. Je crois également que la passation de service entre les nouveaux et anciens Ministres des Gouvernements de WAGHEF I et II, s’est faite dans un contexte assez troublant, tant et si bien que les nouveaux membres du Gouvernement n’ont pas appris de leurs prédécesseurs les usages récents entre le Parlement et l’Exécutif ! Cela dit, ce Gouvernement porte les stigmates d’une culture que nous souhaitions révolue et qui consiste à penser que l’Assemblée Nationale doit être et doit rester une institution mineure par rapport au pouvoir exécutif. Il faut dire aussi que pendant très longtemps, la pratique et la culture ont fait que l’Assemblée Nationale a été - quelque part - une chambre d’enregistrement. Voir subitement un Parlement qui prend à bras le corps ses fonctions dont celle essentielle qu’est le contrôle de l’action du Gouvernement peut évidemment inquiéter des responsables peu enclins à la bonne gestion des biens publics, d’autant plus que certains d’entre eux traînent des casseroles bien connues. Ces responsables ont vécu dans un système dominé par une gestion opaque, voire même clandestine des ressources de l’État. Naturellement, le plus difficile ce n’est pas d’adopter de nouvelles méthodes, mais comment abandonner les habitudes anciennes ?
Eveil-hebdo : Lors d’une interview accordée à la Chaîne qatari Al Jazzera pendant son séjour au Royaume d’ Espagne, le Président de la République a parlé d’une dissolution de l’Assemblée Nationale si la crise continue de persister. Que pensez-vous de cette dissolution ?
HBK: Une dissolution de l’Assemblée Nationale n’est peut-être pas souhaitable. Le pays sort d’une longue période de consultations électorales. Face à la crise alimentaire et aux conditions difficiles que traversent les populations, il faut remettre le pays au travail. Cela dit, l’initiative d’une dissolution de l’Assemblée appartient au Président de la République. Evidemment, il y a quelques procédures de forme, de consultations, mais ici on peut dire qu’on est dans le cadre du pouvoir discrétionnaire à la différence de la convocation d’une session extraordinaire de l’Assemblée Nationale où sa compétence est partagée. Naturellement, il appartient au Président de la République d’apprécier l’opportunité d’une dissolution de l’Assemblée Nationale et il a le droit constitutionnel de le faire. Je le dis très clairement. Maintenant, j’observe que c’est une menace qui a été brandie au moins trois ou quatre fois. La menace de dissolution ne devrait pas être l’épée de Damoclès ! Si on veut dissoudre l’Assemblée, on le fait, mais on n’a surtout pas le droit de dire : « retenez-moi, avant que je ne fasse malheur ». Le jour où il y aura dissolution de l’Assemblée, nous aviserons. Le peuple est souverain et il lui appartient d’exprimer son choix à travers la désignation de ses représentants. Mais, encore une fois, c’est le droit constitutionnel du Président de la République et il est juge de l’opportunité.
Eveil-hebdo : Venons-en à présent à la fondation KB. Lors du séjour du couple présidentiel en Espagne, l’Epouse du Président de la République a laissé entendre des propos à l’égard des sénateurs, qui l’ont mal pris. Selon vous, quels sont les risques que peuvent engendrer les propos de la Première Dame et que pensez-vous de la Commission d’enquête sur la Fondation KB inscrite à l’ordre du jour?
HBK: Je pense que ces propos sont malheureux et je dirais également un peu excessifs. Cela dit, je ne suis pas de ceux qui mettent ou qui cherchent à jeter de l’huile sur le feu. J’observe que dans une récente intervention, le Président de la République s’est expliqué sur la Fondation, assurant qu’elle n’a reçu aucune aide publique et qu’il ne voyait pas d’inconvénient à ce que la Fondation fasse l’objet d’un contrôle sur la provenance de ses ressources. Evidemment, il est souhaitable que de pareils contrôles se fassent dans un climat de sérénité ; mais, ceci ne contredit nullement le droit des parlementaires, qui sont également juges de l’opportunité, de mener les investigations nécessaires là où ils estiment devoir le faire. Pour ma part, mes priorités sont ailleurs.
Eveil-hebdo: Quelle analyse faites-vous de la situation actuelle et selon vous, quelles sont les perspectives d’une sortie de crise ?
HBK: C’est une question très complexe, en réalité, parce qu’il faut bien comprendre que nous sommes dans une crise profonde qui se nourrit de plusieurs facteurs. Elle n’est pas conjoncturelle, parce que très probablement, ce n’est pas seulement une crise politique, ce n’est pas seulement une crise institutionnelle, ce n’est même pas une crise d’un régime, mais d’un système. Il y a que nous avons traîné avec nous, depuis 18 ou 20 ans, les conséquences d’un régime autoritaire, autocratique, qui faisait suite lui-même à une succession de régimes d’exception. Par la suite, la transition organisée par le CMJD, qui n’a pas manqué de mérites sur certains aspects, comporte quand même des ratés, lesquelles justement procèdent de l’insuffisance des changements institutionnels et des questions demeurées taboues (passif humanitaire, esclavage, etc. ;) parce que, justement, tandisque les auteurs du Coup d’Etat au 3 Août 2005, énonçaient clairement la rupture avec le système d’antan, des forces s’étaient liguées pour un ravalement de façade du même système.
On s’est retrouvé devant une situation quasiment inédite au lendemain des élections présidentielles avec un Président qui est élu en tant que candidat indépendant et j’ajoute avec le soutien de certains officiers supérieurs très influents du CMJD. Tout le monde le sait, c’est un secret de polichinelle. Mais ce Président indépendant qui devait compter sur un Parlement ayant obtenu sa légitimité avant celle du Président, a choisi lui-même un Premier Ministre qui était candidat indépendant à l’élection Présidentielle sans être représenté à l’Assemblée Nationale. Vous avez, par ailleurs, un Président de l’Assemblé Nationale qui repose sur des accords électoraux passés à la suite du premier tour de l’élection présidentielle et une opposition parlementaire qui fait que le principal parti représenté à l’Assemblée au lendemain de la mise sur pied de l’institution parlementaire, c’était un parti d’opposition. Voici donc le puzzle qu’on avait.
Il est évident que nous ne pouvions à l’issue d’une telle transition inachevée, par ailleurs, que rentrer dans un processus de décomposition-recomposition du paysage politique. C’est ce que nous vivons actuellement avec une forte aspiration des populations à un changement toujours étouffé. Alors, qu’elle est la sortie de crise ? Il faudrait bien sûr que les principaux acteurs communiquent, dialoguent entre eux. C’est cela ma conviction. Je pense que depuis la tentative de création du Parti-Etat (PNDD), avec la bénédiction du Président de la République, le pouvoir s’est enfermé dans une position partisane. Le pouvoir ne s’est pas ouvert réellement à tous les acteurs et on continue d’ignorer le principal parti du pays tout court, je ne dis pas de l’opposition. Hors, il n’est pas dans l’intérêt du pouvoir d’ignorer une réalité intangible et incontournable. La deuxième chose c’est que nous devons faire attention à deux ou trois autres éléments : le premier porte sur les institutions elles-mêmes : il faudrait qu’on assure le fonctionnement normal des institutions, même quand ce qui se fait n’est pas du goût de certains. Le parlement doit pouvoir agir en tant que parlement sans obstruction et l’exécutif doit faire également son travail dans le dialogue, la concertation et la transparence. Mais l’essentiel est ailleurs : il faut faire le constat que la majorité dite présidentielle est en voie de déclassement, au profit d’une nouvelle majorité parlementaire émergente. Il y a comme un retard de conscience, notamment lorsqu’une majorité de députés s’était exprimée en faveur de la destitution du gouvernement de WAGHEF I. En prenant le risque de reconduire le même Premier ministre d’un gouvernement démissionnaire, dans les conditions que l’on savait, le Président de la République n’avait fait que reporter la crise, installant le pays dans une incertitude paralysante. Je pense qu’il faudrait en tirer les leçons. Qu’on le veuille ou non, le Premier ministre est contesté dans sa légitimité, aussi bien au niveau de l’exécutif qu’au niveau de son propre parti où des députés et des sénateurs ont déjà démissionné ou menacent encore de le faire. Qu’on le veuille ou non, c’est un facteur de crise que seule la « majorité » en l’occurrence le Président et ses soutiens, doivent d’abord apporter une réponse. Toute solution de sortie de crise ressemblerait à une cohabitation, quitte à aménager les formes. Le RFD a lancé un appel à l’ensemble des forces vives du pays pour une sortie honorable de la crise. Le moment venu nous apporterons notre contribution.
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